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Cet article, publié sur Le Temps, est une réponse à une tribune critiquant le "rêve" de l'aviation propre.

Il est plus que nécessaire de lutter contre les émissions de CO2 produites par l’aviation, mais cette assurance à considérer l’aviation verte comme impossible me parait être une simple répétition du passé.

Le préposé aux brevets de Londres avait déclaré dans les années 1860 que tout ce qui pouvait être inventé l’avait déjà été. Des spécialistes avaient calculé qu’un aéronef plus lourd que l’air ne pourrait jamais voler, et ensuite qu’il n’arriverait jamais à traverser un océan. On pensait la généralisation des téléphones portables utopique parce qu’il n’y aurait jamais suffisamment d’antennes. Les experts anticipaient un maximum de 4 ordinateurs dans le monde. Et maintenant on nous prédit l’impossibilité de verdir l’aviation. Cela devient une habitude !

On me retorque que Solar Impulse n’a servi à rien, et que Climate Impulse n’est qu’un délire d’explorateur et d’une industrie mourante qui jette ses derniers pions dans la bataille.

Solar Impulse n’a jamais voulu montrer une voie pour décarboner l’aviation ni faire croire que le solaire puisse être envisagé comme commercialement viable dans ce secteur. Nous n’avions qu’un but et nous l’avons pleinement atteint : démontrer que les énergies renouvelables et les technologies propres pouvaient permettre d’atteindre des objectifs considérés comme impossible. Rappelons-nous qu’au début du projet, le photovoltaïque était anecdotique et coûtait 40 fois plus cher qu’aujourd’hui. Depuis, le succès de la Fondation Solar Impulse qui a identifié et promu1600 solutions efficientes est bien la preuve que le message était fondé...malgré les détracteurs. Cet héritage a largement dépassé l’intention initiale qui était de porter un message, et permet maintenant d’aller un pas plus loin avec Climate Impulse, le premier tour du monde sans escale en avion à hydrogène vert.

L’aéronautique a prouvé qu’elle pouvait être disruptive, mais elle s’est un peu endormie. Le rôle de l’activisme écologique doit être de la réveiller, pas de lui couper les ailes. La NASA utilisait il y a 60 ans déjà de l’hydrogène liquide dans ses capsules spatiales, alors qu’on ne vienne pas nous dire qu’il est impossible de faire de même pour des avions. Climate Impulse essayera de stabiliser ce carburant vert à -253 degrés pendant 9 jours et cela aura des répercussions cruciales pour l’industrie.

La décarbonation prendra du temps, et il faut commencer par inclure la charge CO2 dans le prix des billets, diminuer bien sûr cette frénésie de voler simplement parce que c’est bon marché, améliorer urgemment les procédures et les opérations. Mais vouloir interdire l’aviation, en plus du chaos généralisé que cela engendrerait, est complètement utopique, en Europe et a fortiori dans le reste du monde qui ne demande qu’à se développer davantage. Soyons sérieux ! Plutôt que dans l’illusion, engageons-nous dans ce que les solutions d’aujourd’hui, énergies renouvelables et hydrogène en tête, peuvent nous permettre d’accomplir.

J’en veux beaucoup à ceux qui enferment la population, les jeunes en particulier, dans une anxiété qui ruine leur capacité d’agir. Autant qu’un laboratoire à ciel ouvert, Climate Impulse représente un combat contre le défaitisme, le scepticisme, qui font croire qu’il n’y a pas d’autres issues que le sacrifice et la régression. Ce débat dépasse donc de loin la question de l’aviation. Il concerne l’état d’esprit que nous devrions adopter : celui du pionnier qui met en avant les solutions plutôt que les problèmes, le réalisme au-delà des idéologies, et qui refuse de considérer comme impossible tout ce qu’on ne connait pas encore.

Je crois sincèrement à l’aviation verte. Je peux me tromper, mais je n’ai pas peur d’essayer. Quant aux sceptiques, quel avantage trouvent-ils à fermer le champ des possibles ? Ne risquent-ils pas de rester plus tard cloués au sol alors que le progrès décolle ?

Rappelons-nous cette citation dans le débat actuel : « Ceux qui pensent que c’est impossible sont priés de ne pas déranger ceux qui essaient...».

Bertrand Piccard, Président de Climate Impulse

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